En août 1777, un décret royal interdisait l’entrée de nouveaux
« noirs, mulâtres ou autres gens de couleur » dans le royaume de France
: « le nombre des noirs s’y est tellement multiplié, par la facilité
de la communication de l’Amérique avec la France, qu’on enlève
journellement aux colonies cette portion d’hommes la plus nécessaire
pour la culture des terres, en même temps que
leur séjour dans les villes de notre royaume, surtout dans la capitale, y cause les plus grands désordres
; et, lorsqu’ils retournent dans les colonies, ils y portent l’esprit
d’indépendance et d’indocilité, et y deviennent plus nuisibles
qu’utiles.»
Le 5 avril 1778, un nouveau décret paraissait, interdisant cette fois les unions mixtes :
« Arret du conseil du Roi
Interdisant aux Blancs tous mariages avec des Noirs, Mulâtres ou autres Gens de Couleur,
« Le Roi s’étant fait représenter sa déclaration du 9 août dernier
par laquelle sa Majesté aurait défendu à l’avenir l’introduction de tous
Noirs, Mulâtres ou autres Gens de Couleur, de l’un et l’autre sexe,
dans son royaume, et se serait néanmoins réservé d’expliquer ses
intentions sur ceux qui sont actuellement en France ;
et sa
Majesté était informée que quelques-uns des Noirs, de l’un et l’autre
sexe, qui s’y trouvaient avant ladite Déclaration, se sont proposé de
contracter mariage avec des Blancs, ce qu’il serait contre le bon ordre
de tolérer.
A quoi voulant pourvoir : Ouï le rapport ; le Roi étant en son Conseil, a
fait et fait défense à tous ses sujets Blancs de l’un et l’autre sexe,
de contracter mariage avec les Noirs, Mulâtres ou autres gens de
Couleur, jusqu’à ce qu’il ait été pourvu, par telle loi qu’il
appartiendra, sur l’état desdits Noirs, Mulâtres ou autres gens de
Couleur de l’un ou l’autre sexe, qui étaient en France avant la
déclaration du 9 août dernier ; fait défense à tout Notaire de passer
aucun contrat de mariage entre eux, à peine d’amende : Veut Sa Majesté
que si aucun de ses sujets contrevient aux dites défenses, les
contractants soient sur le champ renvoyés aux Colonies.
Enjoint Sa Majesté eu Sieur Lenoir, Conseiller d’Etat, Lieutenant
Général de Police de la ville de Paris, et aux Intendants et
Commissaires départis dans les provinces de tenir la main à l’exécution
du présent Arrêt, et de donner sur le champ avis au Secrétaire d’Etat
ayant le Département de la Marine, des contraventions qui auraient été
faites au présent Arrêt, pour y être par sa Majesté pourvu ainsi qu’elle
avisera bon être.
Fait au Conseil d’Etat du Roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le cinq avril mil sept cent soixante-dix-huit.
Signé: de Sartine »
Et pour information, ci-dessous la déclaration de 1777 interdisant l’entrée des non Blancs dans le royaume.
« Déclaration royale du 9 août 1777
INTERDICTION DU SÉJOUR DES ESCLAVES EN FRANCE
Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre : à tous, présents et à venir, salut.
Par nos lettres patentes du 3 septembre dernier, nous avons ordonné
qu’il serait sursis au jugement de toutes causes ou procès concernant
l’état des noirs de l’un ou de l’autre sexe, que les habitants de nos
colonies ont amenés avec eux en France pour leur service ; nous sommes
informés aujourd’hui que le nombre des noirs s’y est tellement
multiplié, par la facilité de la communication de l’Amérique avec la
France, qu’on enlève journellement aux colonies cette portion d’hommes
la plus nécessaire pour la culture des terres, en même temps que leur
séjour dans les villes de notre royaume, surtout dans la capitale, y
cause les plus grands désordres ; et, lorsqu’ils retournent dans les
colonies, ils y portent l’esprit d’indépendance et d’indocilité, et y
deviennent plus nuisibles qu’utiles.
Il nous a donc paru qu’il était de notre sagesse de déférer aux
sollicitations des habitants de nos colonies, en défendant l’entrée de
notre royaume à tous les noirs. Nous voulons bien cependant ne pas
priver ceux desdits habitants que leurs affaires appellent en France, du
secours d’un domestique noir pour les servir pendant la traversée, à la
charge toutefois que lesdits domestiques ne pourront sortir du port où
ils auront été débarqués, que pour retourner dans la colonie d’où ils
auront été amenés. Nous pourvoirons aussi à l’état des domestiques noirs
qui sont actuellement en France.
Enfin, nous concilierons, par toutes ces dispositions, le bien général
de nos colonies, l’intérêt particulier de leurs habitants, et la
protection que nous devons à la conservation des mœurs et du bon ordre
dans notre royaume.
A ces causes, etc.
Article 1. – Faisons défenses expresses à tous nos sujets, de quelque
qualité et condition qu’ils soient, mêmes à tous étrangers, d’amener
dans notre royaume, après la publication et enregistrement de notre
présente déclaration, aucun noir, mulâtre, ou autres gens de couleur de
l’un ou de l’autre sexe, et de les y retenir à leur service ; le tout à
peine de 3.000 livres d’amende, même de plus grande peine s’il y échoit.
Article 2. – Défendons pareillement, sous les mêmes peines, à tous
noirs, mulâtres ou autres gens de couleur de l’un ou de l’autre sexe,
qui ne serait point en service, d’entrer à l’avenir dans notre royaume,
sous quelque cause et prétexte que ce soit.
Article 3. – Les noirs ou mulâtres qui auraient été amenés en France,
ou qui s’y seraient introduits depuis ladite publication, seront, à la
requête de nos procureurs ès sièges des amirautés, arrêtés et reconduits
dans le port le plus proche, pour être ensuite rembarqués pour nos
colonies, à nos frais, suivant les ordres particuliers que nous ferons
expédier à cet effet.
Article 4. – Permettons néanmoins à tout habitant de nos colonies qui
voudra passer en France, d’embarquer avec lui un seul noir ou mulâtre
de l’un et de l’autre sexe, pour le servir pendant la traversée, à la
charge de le remettre, à son arrivée dans le port, au dépôt qui sera à
ce destiné par nos ordres, et y demeurer jusqu’à ce qu’il puisse être
rembarqué ; enjoignons à nos procureurs des amirautés du port où lesdits
noirs auraient été débarqués, de tenir la main à l’exécution de la
présente disposition, et de les faire rembarquer sur le premier vaisseau
qui fera voile dudit port pour la colonie de laquelle ils auront été
amenés.
Article 5. – Les habitants desdites colonies, qui voudront profiter
de l’exception contenue en l’article précédent, seront tenus, ainsi
qu’il a toujours été d’usage dans nos colonies, de consigner la somme de
1.000 livres, argent de France, ès mains du trésorier de la colonie,
qui s’en chargera en recette, et de se retirer ensuite par devers le
gouverneur général ou commandant dans ladite colonie, pour en obtenir
une permission qui contiendra le nom de l’habitant, celui du domestique
noir ou mulâtre qu’il voudra emmener avec lui, son âge et son
signalement ; dans laquelle permission la quittance de consignation sera
visée, à peine de nullité, et seront lesdites permission et quittance
enregistrées au greffe de l’amirauté du lieu du départ.
Article 6. – Faisons très expresses défenses à tous officiers de nos
vaisseaux de recevoir à bord aucun noir ou mulâtre ou autres gens de
couleur, s’ils ne leur représentent ladite permission duement
enregistrée, ainsi que la quittance de consignation ; desquelles mention
sera faite sur le rôle d’embarquement.
Article 7. – Défendons pareillement à tous capitaines de navire
marchand de recevoir à bord aucun noir, mulâtre ou autres gens de
couleur, s’ils ne leur représentent la permission enregistrée, ensemble
ladite quittance de consignation, dont mention sera faite dans le rôle
d’embarquement ; le tout à peine de 1.000 livres d’amende pour chaque
noir ou mulâtre, et d’être interdits pendant trois ans de toutes
fonctions, même du double desdites condamnations en cas de récidive ;
enjoignons à nos procureurs ès sièges des amirautés du lieu de
débarquement, de tenir la main à l’exécution de la présente disposition.
Article 8. – Les frais de garde desdits noirs dans le dépôt, et ceux
de leur retour dans nos colonies, seront avancés par le commis du
trésorier général de la marine dans le port, lequel en sera remboursé
sur la somme consignée en exécution de l’article 5 ci-dessus ; et le
surplus ne pourra être rendu à l’habitant, que sur le vu de l’extrait du
rôle du bâtiment sur lequel le noir ou mulâtre domestique aura été
rembarqué pour repasser dans les colonies, ou de son extrait mortuaire,
s’il était décédé : et ne sera ladite somme passée en dépenses aux
trésoriers généraux de notre marine, que sur le vu desdits extraits en
bonne et due forme.
Article 9. – Ceux de nos sujets, ainsi que les étrangers, qui auront
des noirs à leur service, lors de la publication et enregistrement de
notre présente déclaration, seront tenus dans un mois, à compter du jour
de la dite publication et enregistrement, de se présenter par devant
les officiers de l’amirauté dans le ressort de laquelle ils sont
domiciliés, et, s’il n’y en a pas, par devant le juge royal dudit lieu, à
l’effet d’y déclarer les noms et qualités des noirs, mulâtres, ou
autres gens de couleur de l’un et de l’autre sexe qui demeurent chez
eux, le temps de leur débarquement, et la colonie de laquelle ils ont
été exportés : voulons que, passé ledit délai, ils ne puissent retenir à
leur service lesdits noirs que de leur consentement.
Article 10. – Les noirs, mulâtres, ou autres gens de couleur, qui ne
seraient pas en service au moment de ladite publication, seront tenus de
faire, aux greffes desdites amirautés, ou juridictions royales, et dans
le même délai, une pareille déclaration de leurs noms, surnom, âge,
profession, du lieu de leur naissance, et de la date de leur arrivée en
France.
Article 11. – Les déclarations prescrites par les deux articles
précédents seront reçues sans aucun frais, et envoyées par nos
procureurs èsdit sièges, au secrétaire d’État ayant le département de la
marine, pour, sur le compte qui nous en sera rendu, être par nous
ordonné ce qu’il appartiendra.
Article 12. – Et attendu que la permission que nous avons accordée
aux habitants de nos colonies par l’article 4 de notre présente
déclaration, n’a pour objet que leur service personnel pendant la
traversée, voulons que lesdits noirs, mulâtres ou autres gens de couleur
demeurent, pendant leur séjour en France, et jusqu’à leur retour dans
les colonies, en l’état où ils étaient lors de leur départ d’icelles,
sans que ledit état puisse être changé par leurs maîtres, ou autrement.
Article 13. – Les dispositions de notre présente déclaration seront
exécutées nonobstant tous édits, déclarations, règlements, ou autres à
ce contraires, auxquels nous avons dérogé et dérogeons expressément. Si
donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant
notre cours de parlement à Paris, etc.
Donné à Versailles, le 9 août 1777 »
Source: Contre-Info